
L’histoire : Mers et océans ont disparu. L’eau s’est évaporée, tous les animaux marins sont morts. Des marées fantômes déferlent sur le monde et charrient des spectres avides de vengeance. Requins, dauphins, baleines…, arrachent l’âme des hommes et la dévorent. Seuls les exorcistes, protecteurs de l’humanité, peuvent les détruire.
Oural est l’un d’eux. Il est vénéré par les habitants de son bastion qu’il protège depuis la catastrophe. Jusqu’au jour où Bengale, un capitaine pirate tourmenté, le capture à bord de son vaisseau fantôme. Commence alors un voyage forcé à travers les mers mortes… De marée en marée, Oural apprend malgré lui à connaître son geôlier et l’objectif de ce dangereux périple.
Et si Bengale était finalement la clé de leur salut à tous ?
Mon avis : Il est des auteurs qui vous assènent des claques avec leurs romans… Et Aurélie Wellenstein fait, selon moi, incontestablement partie de cette catégorie. Je me souviens encore avec une acuité certaine de ma lectures des Loups Chantants, qui m’avait à l’époque tout bonnement bouleversée : si l’autrice avait souhaité m’hypnotiser, elle ne s’y serait pas mieux pris. Je n’ai malheureusement pas pu réitérer l’expérience, ces deux dernières années ayant été quelque peu catastrophiques pour ma vie de lectrice (parce que, entre nous, les articles scientifiques et essais sociologiques, ça va bien deux minutes).
Chose que je me suis donc empressée de réparer sitôt mes derniers (DERNIERS !) partiels passés : à moi Mers Mortes, qui me faisait de l’œil depuis sa sortie. Je l’ai commencé le soir-même… Et l’ai fini le lendemain. Voilà.
Mers Mortes nous plonge dans un univers post-apocalyptique. Un univers cruellement proche du notre, puisque seules quelques années nous en séparent. Un univers qui ne pourra laisser personne insensible, tant il est l’incarnation de ce que l’on craint aujourd’hui : assèchement généralisé des étendues d’eau suite au dérèglement climatique, extinction massive de la faune marine, conditions de vie insoutenables… Et une nature bien décidée à faire payer aux humains le prix de leur inconséquence : des marées fantômes déferlent sur le monde, porteuses des fantômes de ces animaux tués sans considération. Des spectres avides de vengeance, dévorant l’âme des humains ayant le malheur de les toucher…
Oural n’a que peu connu le monde précédent l’apparition des mers mortes : son quotidien a basculé alors qu’il n’avait que 6 ans. Pourtant, du haut de son bastion de réfugiés, il fait office de seigneur : sa qualité d’exorciste lui vaut en effet tous les honneurs. Charge à lui de défendre la population humaine lors de l’apparition des spectres, de protéger le bastion contre le déferlement des marées. Mais contre ses semblables, ses talents ne lui sont d’aucune utilité : lorsqu’un bateau pirate aborde le fort avec la ferme intention de s’emparer du jeune homme, il ne peut donc que suivre, contraint et forcé. Que lui veut donc leur capitaine, homme aussi charismatique que dangereux ?
Cette lecture m’a littéralement happée. Parce qu’elle fait écho à certaines de mes peurs les plus profondes, parce qu’elle est cruellement d’actualité (avez-vous écouté l’enregistrement mis au point par Guillaume Néry ? Si ce n’est pas le cas, je vous invite à le faire juste ici), et parce qu’Aurélie Wellenstein fait, une nouvelle fois, preuve d’un sens de l’intrigue indéniable : les pages, les chapitres défilent sans qu’on le voit véritablement passer et, soudain… La fin. La fin qui nous étreint, faisant déferler sur nous une vague d’émotions brutes et indomptées, que l’on peine à contenir. Parce que nous nous sommes attachés à ses personnages, parce que l’on s’est demandé durant près de 400 pages où tout cela allait les mener, si la rédemption était, oui ou non, possible…
J’ai aimé la pudeur avec laquelle Aurélie Wellenstein a croqué ces figures de papier, avec laquelle leurs sentiments ont été dépeints : pas d’étalage ici, pas de surenchère, mais une justesse dans le ton qui m’a beaucoup émue. Et oui.
Si deux personnages sortent particulièrement du lot, tous dégagent une aura particulière, tous m’ont tour à tour intriguée, touchée, séduite. J’ai aimé découvrir au fil du texte des lambeaux de leur histoire torturée, j’ai aimé chercher à comprendre les raisons de leur engagement auprès de ce corsaire d’un nouveau genre. J’ai aimé assister à la lente intégration d’Oural, le voir se détacher du microcosme dans lequel il avait jusqu’à présent grandi, pour s’ouvrir à la réalité d’un monde bien plus cruel et sombre que ce qu’il pouvait imaginer. Une noirceur qui se ressent dans l’atmosphère du roman : s’il fait réfléchir, Mers mortes nous pousse surtout dans nos retranchements en abordant sans ambages une problématique que l’on peut plus ignorer. Que l’on ne doit plus ignorer…
Mers Mortes m’a secouée… Et je crois que je ne pouvais pas rêver mieux comme lecture, pour remettre les deux pieds dans le monde du livre. Parce que c’est avant tout cela, que je recherche : le frisson d’une nouvelle lecture et de ses promesses, la tension qui monte au fil des pages, le cœur qui s’affole, le ventre qui se noue, l’imagination qui s’envole… L’émotion, brute. Voilà.
En bref, un roman douloureux et passionnant, qui m’a transportée. Tout simplement !
