Où je te parle de la naissance de notre poupette. Récit commencé à la maternité, fini quelques jours plus tard.
J’ai toujours lu que, lorsque l’accouchement débutait, les futures mères le sentaient : « cette contraction était différente, j’ai de suite su qu’il fallait partir ». N’ayant jamais ressenti cela pour notre premier, je doutais fortement qu’il en aille autrement pour notre princesse : des contractions, voilà des semaines que j’en avais… Et bien que nous soyons encore à plusieurs semaines de la date présumée de sa venue, j’avais plus que hâte de pouvoir la serrer dans mes bras.
Il est près d’1h30 quand, ce 6 octobre, je daigne enfin éteindre la lumière pour dormir : nous avions fait une bonne sieste avec Malo avant d’aller à la piscine l’après-midi même, et un livre plutôt carrément captivant m’avait tenue éveillée jusqu’à lors. J’éteins donc, les sens à l’affût de ces contractions qui ne manquent de m’étreindre nuit après nuit… Et des mouvements de cette petite puce qu’il me tarde tant de rencontrer. Je viens à peine de m’assoupir -les contractions sont particulièrement oppressantes ce soir- quand Malo me réveille : je file m’allonger à côté de lui, comme chaque nuit ou presque. Je me réveille dans son lit deux heures plus tard : ces contractions me posent décidément problème, cette nuit ! Je regagne à tâtons notre lit, tente de trouver une position qui les rendrait plus supportables… Mais rien à faire : il est 4h du matin quand je finis par me lever, bien trop consciente que la journée qui va suivre va être très dure. Je préviens tout de même Chéri que je descends retrouver le ballon, histoire de… Je m’essaye alors au différents exercices pratiqués avec la sage-femme, essaye de lire entre deux contractions (de parfaites conditions pour commencer le 3e opus de Sénéchal !), mais rien à faire : mon esprit bouillonne, et même si je suis encore persuadée que ce n’est qu’une fausse alerte, je ne peux faire taire cette petite voix qui me susurre que tout cela est quand même bien étrange. Mais, enfin, ce serait bien le comble d’accoucher aujourd’hui, alors que ma maman doit arriver demain pour s’occuper de Malo quand le grand jour sera là !
Les minutes passent, rien ne change : je me décide donc à aller prendre un bain… Qui ne fait absolument rien passer du tout, les contractions ne faisant qu’aller crescendo. Alors que je me vois mal réveiller toute la maisonnée (j’ai encore un sacré doute sur ce que je suis en train de vivre), Boubou débarque comme une fleur, tout sourire : me voir dans le bain, de si bon matin, l’amuse beaucoup. Il en viendrait presque avec moi ! Presque, parce que je ne lui en laisse pas le temps : il faut que je bouge, que je pense à autre chose. J’essaye -en vain- de tirer son père hors du lit, et l’accompagne finalement dans sa chambre pour lui lire quelques livres, histoire de grappiller encore un peu de temps. Vingt minutes et quelques bonnes contractions plus tard, je ne laisse finalement pas le choix à Chéri : il faut que l’on parte, j’ai besoin d’en avoir le cœur net. Le temps de rassembler les affaire, de motiver Malo à sortir et de faire la route, il est près de huit heures quand nous arrivons à l’hôpital. Le voyage fut bien éprouvant, les contractions étant de plus en plus proches. Je sors de la voiture en titubant, une bouillotte chaude serrée contre mon ventre : vite, il faut trouver quelqu’un. Manque de chance, nous sommes samedi, je n’ai pas pensé à appeler la maternité avant d’arriver… Et nous nous trouvons ainsi face à un hôpital VIDE. Personne à l’accueil hormis le personnel d’entretien, idem au 2e où je me rends habituellement pour mes rendez-vous… Chéri commence à râler : avais-je vraiment besoin de choisir un hôpital si loin et si petit, quand une grosse structure bien huilée se trouvait à 15 minutes de chez nous ? Nous trouvons finalement refuge aux urgences, où l’interne nous jauge d’un air bien suspicieux, avant de nous demander… De patienter. PATIENTER. Chéri est au bord de l’implosion, et moi au bord des larmes : la douleur n’a cessé de s’amplifier, je NE PEUX PAS rester dans cette salle sans que personne ne me dise ce qu’il se passe exactement, et surtout sans que je puisse mettre notre bonhomme à l’abri, lui qui vient me faire un câlin à chaque contraction, un air soucieux sur son petit visage. Chéri part donc en quête de quelqu’un vers qui se tourner dans les étages, tandis que j’essaye tant bien que mal de rester vaillante sous le regard vaguement amusé des autres patients. Il faut dire que chaque vague me pousse à m’accroupir contre les fauteuils en soulevant exagérément et que, vu de l’extérieur… Ce doit être plutôt risible, en effet. Chéri revient alors que l’interne nous appelle : durée des contractions, intensité… Je dois me montrer plutôt convaincante, puisqu’il ne tarde pas à nous envoyer vers le St Graal : la maternité, au 5e (et non au 2e, donc). J’y volerais presque ! Nous y sommes accueillis par une sage-femme adorable, qui me met de suite en confiance : enfin, je commence à respirer un peu mieux. Elle me conduit en salle d’examen, pendant que Chéri et Malo restent dehors : nous allons enfin être fixés…
Et le résultat est sans appel : le travail est lancé, et bien lancé : je suis à 4. Grand sourire de la SF, soulagement pour moi… Et Chéri ne peut s’empêcher un « ah bon ?! » incrédule – qui me fait bien rire- en apprenant la nouvelle. Changement de salle, on passe dans l’espace de pré-travail pour faire un monitoring : Boubou et Chéri peuvent rester encore un peu avec moi, ce qui nous permet d’expliquer à notre bonhomme ce qui est en train de se passer. Pas facile à appréhender quand on a 3 ans ! La SF ne tarde pas à revenir pour me demander ce que je préfère, passer le maximum de temps avec les garçons et n’aller en salle de naissance qu’à la dernière minute ou presque, ou profiter dès maintenant des aménagements de celle-ci. Mon choix est sans appel : même si vivre cette expérience sans Chéri me fait terriblement peur, je m’y suis préparée, je préfère qu’il éloigne notre ainé, qu’on le préserve de tout cela. D’autant que je pourrai ainsi me mettre dans ma bulle, et ne penser qu’à cette rencontre imminente. La séparation est brève : les douleurs m’accaparent complètement, je ne suis plus apte à penser à quoi que ce soit d’autre. Les choses avancent d’ailleurs rapidement : nous ne sommes arrivés que depuis une heure, et me voilà à 6. Je me plonge avec soulagement dans l’immense baignoire de la salle de naissance, celle-là même dans laquelle j’ai souhaité vivre tout mon accouchement. Pourtant, j’ai cruellement conscience que rien n’est joué : à chaque minute qui passe, je sens ma résistance et ma détermination céder du terrain, je n’ai jamais été aussi peu sure de moi. Je tente de reprendre le contrôle, de faire le vide pour laisser la playlist que j’ai choisi envahir mon esprit, de trouver la position qui soulagera mes maux… Plus facile à dire qu’à faire. La SF passe me voir régulièrement, devant gérer un autre accouchement en parallèle, et me rassure autant qu’elle peut : elle trouve que je gère parfaitement bien, et me rappelle que tout cela n’est pas vain : j’aurai bientôt mon bébé entre les bras. Je perds totalement la notion du temps, ballotée de part en part par ces vagues de douleurs qui ne semblent jamais devoir cesser. La SF revient, définitivement cette fois : l’heure est venue de passer aux choses sérieuses. Et c’est un peu la tempête qui se déchaine en moi : de ruisselet, le flot de douleur est passée à torrent. Je perds pied, oscillant entre terreur et puissance. À chaque expiration, je sens ma fille qui approche, jusqu’à ce qu’elle soit là, tout près, à une minuscule poussée de moi. Une minuscule poussée qui me semble impossible à accomplir, moi qui ne sais plus comment respirer, qui suis à bout de force. La SF me parle, me caresse le front : je ne l’entends pas, je n’entends plus la musique… Seulement mon cœur qui s’emballe. Et je pense au sien. Je pense à ma fille, elle avec qui j’ai vécu en symbiose pendant huit mois, elle que j’aime déjà de tout mon cœur, de toutes mes forces. Alors j’inspire… J’inspire, et pousse. Une seconde… Et elle est là. Elle. Est. Là. J’accueille sa tête entre mes mains, l’attire contre moi : ma si petite, toute petite, magnifique petite fille. Elle est bleutée, le vernix recouvre son minuscule corps… Mais ce que je remarque en premier, ce sont ses cheveux : et nous qui l’imaginions chauve ou presque, comme son frère… Je pleure, je ris, je la serre contre moi et ne la quitte pas des yeux : c’est à peine si elle crie, aussitôt calmée par la chaleur de l’eau. Et, rapidement, elle ouvre ses yeux : notre premier regard est merveilleux, indescriptible, inoubliable : j’en tombe éperdument amoureuse, mon cœur menaçant d’éclater sous cette décharge d’amour pur. Nous attendrons que le cordon ait fini de battre pour le couper et sortir de l’eau, tandis que Chéri et Boubou nous rejoindrons une dizaine de minutes plus tard. Nos premières heures à quatre se dérouleront sur le lit immense de cette salle si particulière : à cet instant précis , nous touchons du doigt la plénitude la plus totale.
Tu es née à 10h15, ma fille, et je suis née moi aussi : plus forte, plus aimante, plus louve que jamais. Ambre Athénaïs R., le monde s’est illuminé avec ta venue, et c’est bien la plus belle chose que j’ai jamais vue. ♥

C’est un magnifique texte que tu as écris là, il m’a mis les larmes aux yeux et m’a rappelé beaucoup de choses, mon accouchement étant finalement assez récent (7 mois et demi ! ), il est encore frais dans ma tête et dans mon corps <3 J'admire ta détermination et ton courage d'avoir accouché sans péridurale et sans ton mari à tes côtés, tout en pensant au bien être de Malo. Bravo, je crois que tu peux être sacrément fière du chemin parcouru. Et ta fille est superbe !
Ah ce moment magique. J’ai eu la chance d’avoir deux merveilleux garçons. Leurs naissances, aussi à 3 ans d’intervalle, furent les plus beaux et bouleversants de ma vie. Chaque jour depuis je m’émerveille de les voir évoluer. Merci d’avoir partagé ces instants avec nous, très beau texte pour une magnifique petite fille.
Je vous souhaite plein de bonheur à quatre
Whoua ma belle, quelle aventure ! Je te souhaite tout le bonheur du monde <3
Ps ; mon chéri qui n'ai jamais d'accord avec moi sur les prénoms féminins, nous tombons enfin d'accord sur Ambre… Je retiens hihi ^^
Fou, quel récit !
L’accouchement est un acte à la fois si banal et si courageux. Merci pour ton partage d’expérience.